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50000 « solutions » nouvelles dans le médico-social d’ici 2030

(J’ai pris cet article sur le site handicap.fr)
50 000 nouvelles « solutions » pour les enfants et les adultes en situation de handicap entre 2024 et 2030, c’est ce qu’a promis Emmanuel Macron lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) le 26 avril 2023. A titre de comparaison, 510 000 d’entre eux sont accueillis dans des établissement médico-sociaux en France (chiffres Drees 2018). C’est donc un renfort de 10 % qui est à l’ordre du jour. Le chef de l’Etat entend ainsi « garantir une réponse aux personnes sans solution » avec un « plan de développement pluriannuel ambitieux ». Dans ce contexte, la sémantique a son importance. « La création de ‘solutions’ nouvelles et non plus de ‘places’ confirme le changement d’orientation qui était attendu », s’est félicité Jérémie Boroy, président du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées). Dans le dossier de presse de la CNH de 2020, on parlait encore de « places ».

Réponse massive sur les territoires en tension

Le dossier de presse précise qu’il « permettra d’apporter une réponse massive sur les territoires les plus en tension (Ile-de-France, Outre-Mer…) tout en renforçant l’offre pour des publics sans réponse satisfaisante à ce jour : enfants et adultes nécessitant un accompagnement renforcé (personnes polyhandicapées, avec trouble du spectre de l’autisme…), enfants relevant de l’aide sociale à l’enfance, personnes handicapées vieillissantes, avec un handicap psychique ou cognitif nécessitant notamment un accompagnement à domicile ». Ce plan s’appuiera sur des données consolidées et territorialisées de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), permettant de partager avec l’ensemble des acteurs (agences régionales de santé, départements, représentants des personnes, établissements et services) une réponse adaptée à chaque territoire. Le gouvernement entend ainsi « poursuivre la politique de prévention des départs en Belgique » mais également « répondre à l’impératif de faire sortir les jeunes adultes résidant dans les établissements pour enfants (amendement Creton) ».

Réactions positives mais…

Plusieurs associations comme LADAPT, les PEP, l’Unapei, ont réagi favorablement à cette annonce qui « va naturellement dans le bon sens », tout en regrettant « l’absence de précisions sur la nature de ces solutions ». Elles s’interrogent également sur « la ventilation de l’enveloppe financière, par ailleurs trop étalée en termes de délai ». Le Collectif handicaps, qui rassemble 52 associations et s’est impliqué dans le groupe de travail de préparation de la CNH « Transformation de l’offre », s’interroge à son tour sur la période butoir, à savoir 2030, qui « dépasse la fin du quinquennat, s’apparentant d’autant plus à des déclarations d’intention ».

Estimer les besoins ?

Ce sont « moins de 10 000 par an et 500 mesures nouvelles par département sur six ans, sans que l’on en sache beaucoup plus », calcule-t-il. Il déplore que « sa demande de création d’un observatoire des besoins ait été écartée », insistant sur le fait que « recueillir des données (…) devrait être le point de départ de toute politique d’amélioration de l’offre médico-sociale ». « Sans cela, comment savoir si ce nombre de solutions nouvelles répond vraiment à la demande… », interroge-t-il. Quant au Groupe polyhandicap France, il attend une « politique claire, chiffrée, ambitieuse reposant sur une programmation pluriannuelle claire » et ne réclame « pas simplement la quantité mais aussi la qualité », « souhaitant, parce que les situations de handicap sont plurielles, des réponses plurielles », une « profonde transformation de l’offre ».

Vers une transformation du médico-social ?

Dans son discours, Emmanuel Macron a justement insisté sur la « transformation des métiers du médico-social, et des structures, ensuite, pour qu’elles ne donnent plus l’image d’enceintes fermées, mises à l’écart ». Il a employé le mot de « désinstitutionalisation », notamment exigée par l’ONU. L’engagement du gouvernement est ainsi de passer d’une « logique de place à une logique de plateforme de services coordonnés », poursuit Jérémie Boroy, « en appui à l’accès au droit commun ». Va-t-on vraiment vers ces modalités d’accompagnement nouvelles ou alternatives : SESSAD,  MAS à domicile et autres dispositifs ambulatoires, relais des aidants, accueils séquentiels, plateformes modulaires, formules transitionnelles, habitats partagés ?

Des situations minoritaires

« La très grande majorité des personnes en situation de handicap ne doivent plus passer leur vie dans un établissement », a renchéri Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, dans une interview donnée à l’HuffPost, même si elle consent qu’il « y aura toujours besoin de solutions de grande proximité, avec beaucoup de professionnels, autour de certaines personnes, polyhandicapées par exemple ». C’est en effet la ligne de conduite revendiquée par le Groupe polyhandicap France qui redoute, lui, cette désinstitutionalisation à marche forcée, déplorant que le Comité des droits de l’ONU ne se soit jamais « donné la peine de visiter un EEAP (établissement et service pour enfants et adolescents polyhandicapés) français ». Néanmoins, selon la ministre, ces situations restent « minoritaires ».

500 millions dédiés

Ce cap doit ainsi permettre « des réponses plus individualisées en proximité des lieux de scolarisation et d’emploi », selon la CNSA, qui juge que les « mesures issues de cette CNH 2023 apportent de nouveaux leviers ». « L’implantation de 110 instituts médico-éducatifs (IME)  dans les écoles à horizon 2027 sera emblématique de cette transformation », illustre-t-elle. Selon le dossier de presse de la CNH, « les établissements médico-sociaux devront s’engager à se transformer en plateformes de services, et mettre ainsi fin à la logique d’établissements fermés, d’abord ceux pour enfants puis ceux pour adultes », sur la base du volontariat dès 2025 avant sa généralisation à l’ensemble du secteur en 2030. 500 millions d’euros doivent soutenir cette démarche de transformation d’ici 2030, financés par la CNSA.

Les pro manquent à l’appel

Reste un point noir majeur. La pénurie de personnels sans précédent qui alimente depuis plusieurs mois une crise profonde dans le « secteur des métiers de l’humain ». 50 000 solutions de plus mais 50 000 salariés qui manquent à l’appel! Qui pour assurer cet accompagnement ? « Les besoins permanents des personnes les plus dépendantes et vulnérables ne pourront être correctement satisfaits qu’avec des équipes plus nombreuses et mieux formées », insiste LADAPT. Pour l’Uniopss, ces « nouvelles solutions nécessitent un soutien des pouvoirs publics aux acteurs » afin, notamment, de « rendre attractifs les métiers d’accompagnement », regrettant que ces « annonces ne laissent qu’une place minime aux professionnels sociaux et médico-sociaux ». Il place néanmoins ses « espoirs dans la publication de la feuille de route complète, en gageant que ceux qui sont parfois appelés les ‘exclus du Ségur’ ne deviennent pas les ‘exclus de la CNH 2023’ ».

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