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Déconjugalisation AAH : les députés vont devoir la voter? 

(J’ai pris cet article sur le site handicap.fr)
19 juin 2022. 2e tour des législatives. L’opposition est désormais majoritaire à l’Assemblée, celle-là même, tous partis confondus, qui, durant des mois, a défendu l’individualisation de l’Allocation adulte handicapé, contre l’avis du gouvernement. L’heure est donc venue de passer aux actes ! La fin de la prise en compte des revenus du conjoint ne sera-t-elle maintenant qu’une formalité ?

Macron change de discours

D’autant qu’en avril 2022, lors de sa campagne, Emmanuel Macron a infléchi sa position, déclarant sur un plateau télé qu’il fallait « bouger » sur ce « couperet absurde » (article en lien ci-dessous). Pas de promesse ferme pour autant puisque cette revendication pérenne des personnes en situation de handicap et des associations ne figurait à aucun moment dans son programme. Elisabeth Borne a ensuite « trébuché » le 7 juin lors d’une émission de radio en encourageant une auditrice handicapée qui l’interrogeait sur le sujet à se faire accompagner pour reprendre un emploi plutôt que de vivre de l’AAH. Face a u tollé, la Première ministre a rapidement rectifié le tir et assuré que cette question « pourra être abordée dans les prochains mois ». Et puis, surtout, c’est désormais Damien Abad qui occupe la fonction de ministre des Solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ; alors député LR, il avait défendu dans l’hémicycle l’individualisation avec une grande ferveur. Difficile donc pour le transfuge de faire aujourd’hui marche arrière !


Oui mais quand ?

Tout ne serait donc qu’une question de timing ? « Nous n’avons sans doute jamais été aussi prêts de voir se concrétiser l’individualisation du calcul de l’AAH, se réjouit Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps. De toute manière, le parti Ensemble, seul, ne peut plus bloquer cette réforme ». Pour APF France handicap, le gouvernement dispose maintenant « d’un levier majeur pour répondre à la détresse des allocataires AAH en couple ». Comment les choses peuvent-elles se passer ? Tout d’abord, deux options. La première, reprendre la proposition de loi initiale, celle-là même qui a été bringuebalée durant toute l’année 2021 entre l’Assemblée et le Sénat (à majorité LR). Mais est-ce bien utile ? « Cette PPL a été vidée de son contenu lors du passage à l’Assemblée », fait remarquer Arnaud de Broca, qui n’est « pas convaincu que ce soit la meilleure stratégie ». Deuxième option, repartir de zéro, sur des bases vierges, mais « inscrire à l’ordre du jour des débats une PPL dépend des groupes parlementaires », et c’est « compliqué », d’autant que ce sujet ne doit pas « faire partie de leurs priorités », analyse-t-il. Pour mobiliser les troupes, le Collectif handicaps entend donc mener des « actions de lobbying, auprès des députés d’une part, qui sont nombreux à rejoindre l’hémicycle, et, d’autre part, auprès du gouvernement et des administrations ». De son côté, APF France handicap dit vouloir « engager une démarche dans les prochains jours, d’abord auprès des sénateurs ».

Pour aller plus vite encore…

Pour aller plus vite, il existe néanmoins un autre parcours : inscrire cette mesure dans le projet de loi « pouvoir d’achat », ou encore dans le Projet de loi de finances 2023. C’est d’ailleurs ce procédé qu’avait utilisé Sophie Cluzel, ex-secrétaire d’Etat au Handicap, pour précipiter l’entrée en vigueur de l’abattement fixe de 5 000 euros sur les revenus du conjoint -une compensation censée faire passer la pilule du refus de la déconjugalisation (article en lien ci-dessous)-, afin, selon elle, qu’il ne « pâtisse pas d’une navette parlementaire incertaine ». Mais encore faut-il que le gouvernement mette le cœur à cet ouvrage, ce qui permettrait de valider la réforme dès cet automne pour une application au 1er janvier 2023… Utopique ?

Si la déconjugalisation de l’AAH semble en bonne voie, l’incertitude demeure sur le quand et comment ? Pour le moment, Damien Abad répond aux abonnés absents. Aucune communication officielle depuis sa nomination, ni sur ce sujet, ni sur aucun autre d’ailleurs, ce que déplore Arnaud de Broca : « Malgré le contexte, c’est inédit qu’un nouveau ministre attende aussi longtemps avant de prendre contact avec le secteur associatif ». Depuis, le ministre a réagi, fixant au Collectif un rendez-vous prochainement.


La question plus large des ressources

La question, aussi passionnée que controversée, de l’individualisation de l’AAH n’est que la partie émergée de l’iceberg. C’est l’ensemble de ressources des personnes handicapées qui alimente les débats et surtout les inquiétudes, a fortiori dans une période où l’inflation menace le porte-monnaie des Français les plus vulnérables. Un autre vieux serpent de mer se glisse donc plus que jamais dans l’actualité : l’augmentation de l’AAH. Comme les retraites et d’autres minima sociaux, le gouvernement avait laissé étendre qu’elle pourrait être réévaluée de 4 % dès le 1er juillet 2022, attendant le 2e tour des élections pour officialiser sa décision. A une semaine de la date fatidique, pas de nouvelles. Elle atteindrait alors 956 euros.

Au-dessus du seuil de pauvreté

APF France handicap revendique également une réévaluation des pensions d’invalidité, les grandes oubliées, ou encore des retraites et des minimas sociaux, ainsi que leur « indexation sur l’inflation ». Dans une lettre ouverte du 21 juin, parmi les « réformes à lancer dès maintenant », elle milite pour la création d’un revenu d’existence d’un montant au moins égal au seuil de pauvreté, soit 1 102 euros par mois en France en 2022 pour une personne seule, pour celles et ceux qui ne peuvent pas travailler du fait de leur santé ou de leur situation de handicap. Quant à Claude Boulanger-Reijnen, membre du CESER (Conseil économique social et environnemental régional) Ile-de-France, auditionné par le Sénat lors de la mise en place de la RSDAE (Restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi), il appelle à une réforme des conditions d’évaluation de cette dernière, sans oublier la prise en compte des conditions de rémunérations des travailleurs en Esat, qui, selon lui, « doit évoluer ». Vaste chantier, donc, dont s’est saisi le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) ; il doit prochainement rendre les conclusions de ses travaux.

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